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Le silence persistant de l’auteur franco-algérien Boualem Sansal, arrêté en Algérie, sème l’inquiétude dans les milieux politique et littéraire

Du monde des lettres jusqu’à la présidence française, l’inquiétude règne autour du sort de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal qui n’a plus donné de nouvelles depuis plusieurs jours.
« Les éditions Gallimard expriment leur très vive inquiétude à la suite de l’arrestation de l’écrivain par les services de sécurité algériens et appellent à [sa] libération immédiate », a ainsi écrit, vendredi 22 novembre, son éditeur dans un communiqué.
L’écrivain de 75 ans a été arrêté, samedi 16 novembre, à son arrivée à l’aéroport d’Alger en provenance de Paris, selon plusieurs sources jointes par Le Monde, confirmant une information donnée par Marianne, jeudi 21 novembre. L’agence gouvernementale algérienne APS a confirmé une « arrestation » de l’écrivain « à l’aéroport d’Alger », sans toutefois donner de date.
Aucune autre information officielle n’a filtré sur le sort de l’écrivain en lutte contre le fondamentalisme religieux et l’autoritarisme. Son arrestation pourrait être liée à ses déclarations polémiques sur le média Frontières sur YouTube, il y a quelques semaines, qui reprennent la position marocaine selon laquelle le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. Il s’agirait d’une « ligne rouge » pour Alger, qui pourrait valoir à l’auteur des accusations d’« atteinte à l’intégrité nationale ».
Jeudi soir, l’entourage du président français, Emmanuel Macron, a fait savoir que ce dernier était « très préoccupé par [cette] disparition » et précisé que « les services de l’Etat sont mobilisés pour clarifier sa situation », ce qu’a confirmé une source diplomatique française, vendredi. Plusieurs responsables politiques français ont exprimé leur inquiétude, notamment l’ex-premier ministre Edouard Philippe.
Ces événements interviennent dans un contexte diplomatique tendu entre la France et l’Algérie, après l’appui de Paris au plan d’autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental fin juillet. L’agence de presse officielle algérienne APS a reproché, vendredi, à la France de prendre « la défense d’un négationniste qui remet en cause l’existence, l’indépendance, l’histoire, la souveraineté et les frontières de l’Algérie », qualifiant M. Sansal de « pantin utile ».
Parmi les auteurs, les marques de soutien affluent aussi, du Français Nicolas Mathieu, parlant de « piège », au Franco-Marocain Tahar Ben Jelloun, appelant à « libérer » Boualem Sansal. « Son arrestation m’insupporte. La place d’un intellectuel est autour d’une table ronde, autour d’un débat d’idées et non en prison », a déclaré son compatriote Yasmina Khadra à l’Agence France-Presse (AFP).
Dans Le Point, le Franco-Algérien Kamel Daoud a dénoncé le fait que son « frère » soit « derrière les barreaux, comme l’Algérie tout entière ».
Leur éditeur Gallimard a été banni du Salon international du livre d’Alger cet automne. Kamel Daoud est également visé par deux plaintes en Algérie qui l’accusent, avec son épouse psychiatre, d’avoir utilisé l’histoire d’une patiente pour Houris, roman évoquant la guerre civile dans le pays, prix Goncourt – le plus prestigieux prix littéraire français – en 2024.
Boualem Sansal est une grande voix de la littérature francophone contemporaine, auteur d’une œuvre engagée contre l’obscurantisme et pour la démocratie, sans tabou, parfois caustique.
Né en 1949 à Theniet El Had d’un père d’origine marocaine et d’une mère éduquée à la française, il commence à écrire à 48 ans et publie son premier roman, Le Serment des Barbares, deux ans plus tard. Il y raconte la montée en puissance des intégristes qui a contribué à faire plonger l’Algérie dans une « décennie noire » ayant fait 200 000 morts entre 1992 et 2002.
Après une carrière d’enseignant, de chef d’entreprise et de haut fonctionnaire, il est limogé en 2003 du ministère de l’industrie algérien pour sa position critique sur le pouvoir. En 2019, il participe à Alger aux manifestations qui conduisent à la démission du président Abdelaziz Bouteflika.
Parmi ses titres, Le village de l’Allemand (2008), censuré dans son pays d’origine, invoque à la fois la Shoah, la guerre civile en Algérie et la vie des Algériens dans les banlieues françaises. Dans 2084, la fin du monde (2015), il dénonce la menace du radicalisme religieux pour les démocraties, en imaginant l’islamisme au pouvoir.
Ses mises en garde contre ce danger ont valu à cet athée revendiqué de solides inimitiés. Et le soutien d’intellectuels et de médias de droite et d’extrême droite, applaudissant ses déclarations sur un « ordre islamique » qui tenterait « de s’installer en France ».
En Algérie, les menaces ont redoublé depuis qu’il s’est rendu en Israël pour recevoir un prix littéraire, en 2014. Boualem Sansal se défend inlassablement des soupçons d’islamophobie. « Je n’ai jamais dit quoi que ce soit contre l’islam qui justifierait cette accusation » mais, « ce que je n’ai cessé de dénoncer, c’est l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques et sociales », expliquait-il à l’AFP en 2017.
Le Monde avec AFP
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